mercredi 26 novembre 2008

Un homme et une mer (suite)

Jamais cela ne prendra de fin, assurément, il s'agit de toujours continuer. J'aime à penser qu'un jour la mer se dérobera sous mes pieds, que sa souplesse laissera place à une tendresse toute naturelle, qu'aucune chose, oui, que rien ne pourra noyer le bonheur au milieu de tant de tristesse. J'aime à penser que la vie ne doit pas saisir cet instant de mort qui rôde dans chaque respiration, dans chaque souffle poussé par l'homme, que les mots, ceux qu'on aime à lire, à imaginer, que les mots amènent quelques larmes perdues, quelques souvenirs, qu'un sentiment puisse enfin naître dans ce monde à l'agonie.

Les poètes se sont toujours rendus compte de la réalité de leur temps. Les choses qui n'allaient pas se montrer à eux, comme se dénonçant, librement, ils narguent ainsi l'impuissance des gens. Alors, seulement alors, se déchaînent les passions humaines, prêtent à libérer une tempête, avec vagues et fracas, rompant les digues de la vie. 

Je suis le poète de la vérité, disait-il. Le théâtre, que vous voyez, vous Madame, vous Monsieur, ne sert à rien d'autre qu'à vous dire cette vérité. L'auteur qui ainsi présente devant vous le portrait du monde malade qui nous sert de foyer ne désire que vous toucher, pointer avec son doigt trop sensible la réalité de votre cœur: nous sommes recouverts d'une seconde peau qui nous prive de ressentir. Épluchons cette horreur qui collée à notre espèce ronge la réalité de notre vie. Nous sommes faits pour vivre, et aimer. 

Un quatuor à cordes, lancinant, lentement, avec une grâce toute divine, portée par l'amour de musiciens, évoque la douce mélancolie, la nostalgie heureuse, d'un temps où les valeurs étaient appréciées, d'un temps où chacun en tant qu'humain avait droit à sa part de respect. Ce quatuor à cordes, lancé par un élan quasi mystique, revisite avec une fougue héroïque les affres d'une vie trop monotone, projette vers nos consciences une chose trop rare qu'on appelle parfois amour, émotion, partage. À nous de saisir ces choses quand elle se présente à nous. 

C'est le travail de l'art et de ses disciples, celui d'étendre cette conscience, de perpétuer ce chant. J'utilise des mots pour le faire, j'utilise mes maux pour le faire, je forge par ma vie la symbolique de mes expressions, des tournures que je donne à mes phrases, je défend sans cesse non pas le résultat, ni même les méthodes de ce que vous lisez, je défend le regard qui je porte, qui me rend ainsi différent et unique. 

Je m'extrêmise au maximum, de la même façon mes mots en subissent le sort. La folie me guette sans doute, prête à bondir, à saisir au vol une pensée qui sera un peu trop lourde pour continuer de voler dans le tourment de mon esprit. Je ne parle pas de malheur, de tristesse à envisager la mort, je parle d'une douleur de voir les choses de la manière dont elles vivent au plus profond d'elles. D'une façon de vivre qui tend à me faire comprendre, à présenter à mes yeux que le monde peut trouver une solution, alors qu'il n'en a pas envie. 

Quand je suis seul, sur scène, que personne ne danse autour de moi, que je m'évertue à toujours jouer mon rôle. Quel est-il exactement ? Si je le savais, nul besoin de poser la question. Les lumières toujours éteintes se reflètent intelligemment sur le sol, pour y dessiner formes et ombres poignantes, qui s'imaginent peut-être messagers d'une tempête, qui déferlera sur les rives tranquilles d'une vie de transition. Attention de ne pas mouiller les amis qui nous accompagnent par nos explorations de nous-mêmes. 

Un quatuor à cordes joue sur la plage, le vent venant gonfler le son de leurs violons, vrombissant de la manière qui pousse le corps à trembler, que se passe-t-il, suis-je attentif, je ne veux rien manquer du spectacle. 

Un quatuor à cordes, cheveux aux vents, l'archet qui pointe le son heureux de la symphonie de ce jour. Les mots n'ont aucune valeur à côté de cet effet magique, ils sont portés par ces sons, hurlant, criant, vociférant, la réalité n'est pas comme nous la vivons, la vérité se porte sur le cœur et nous rend ce bonheur, les mots nous aident à aimer, le théâtre nous montre cette réalité.

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