mardi 25 novembre 2008

Un homme et une mer (suite)

Comment dire à quelqu'un, à un groupe, que l'on sombre dans la folie, à nouveau. Je sombre seul dans le vide et le néant, j'assiste en spectateur à ma propre chute, attendant le moment où je décrocherais mon parachute. Pour tomber dans la mer, écraser l'écume d'eau, en faire naître des vagues, attrister un ciel trop cruel, alors, je me pare du linceul de la solitude, en fait ma part et mon héritage. Quand au petit matin, le ciel enlève son voile noire, que la lune brûle ses dernières résistances contre le jour, qu'un épais nuage accompagné de pluie veut prendre sa part, je ne sais plus où penser. Les mots manquent à l'appel, ils sont dans le désordre, éparpillé, aux quatre vents, on les retrouve. Seul au petit, tout petit matin, sur la scène de ce monde, occupé par mes pensées, qui m'en rendent prisonnier, je cherche la réplique. La réplique de ce que je suis, l'écho de mes pensées, le miroir de mon art. Je me demande à quoi pourra-t-elle ressembler, si elle sera une Bérénice ou bien une Andromaque. Si trompé par mon propre jugement je passe à son travers, que la réplique passe et s'écrase injustement, pire qu'elle soit volée par un autre que je n'avais pas vu. 

Il est là, marchant, seul, sur la rive à la marée si basse qu'il se demande comment elle pourra remonter. Il veut traverser cette mer qui s'oppose à lui, avoir le courage d'y combattre. La poésie qu'il tient tant, les sacrifices qu'il doit faire, sont parfois trop haut à ses yeux. Il recherche toujours le beau, le style dans ces mots, l'énergie pour faire naître une belle œuvre. Il cherche sa muse, il cherche la raison de ses mots, de sa poésie, la raison, celle qui le pousse à toujours vouloir faire mieux. Celle qui est le support de son regard sur la vie, qui est là pour dire, oui, regarder, je suis la personne qui illustre le mieux son regard, je l'aide par ce moyen, il est prisonnier heureux de cela, et pourtant, je ne le retiens sans aucun lien, c'est lui qui s'y attache, s'y accroche. 

Il veut traverser la mer pour donner un sens à ce qu'il fait, je veux le faire. L'émotion qu'il a eu au théâtre, quand les mots ont réussi à rentrer dans son cœur pour lui faire comprendre le message, que la personne devant lui, le comédien, touché par les mots, a aimé et à voulu partager. Quelque soit ce message, s'il est sincère, qu'il est né par pure envie, par pure passion, plus par nécessité, qu'il n'en aurait rien pu être autrement, je veux l'apprécier, et lui donner des enfants. Multiplier ce message, par ma méthode, faire comprendre aux gens, que je vois des choses, que mon regard est différent, que l'apparence montre plus que ce qu'elle le voudrait, et que j'arrive à percevoir les émotions, que le beau se retrouve de partout quand il y a un peu de sincérité. 

C'est la chair à vif, rougeoyante, crépitant comme un feu plein de souffrances, que je demande à être compris. Ce n'est pas un jeu, je le dis souvent. Il faut bien préparer la traverser de cette mer, ce n'est pas une marre, ni un étang, c'est la limite de ma vie d'aujourd'hui. J'en ai déjà traversé quelques unes, mais l'étendu de celle-ci est trop impressionnante, il y a trop d'obstacles à manœuvrer, et les ports d'arriver trop nombreux. À choisir un d'entre eux, c'est un casse-tête qu'on préférerait éviter. Trop d'écueils sont enclins à saborder la chair trop tendre de mon embarcation, de la barque, ou plus justement le radeau chimérique qui s'emploie à me faire traverser. 

Encore seul, sur le radeau, j'attends l'autre personnage, comme Bérénice attendant Titus, je ne sais pas où cela mènera. Je ne sais plus où cela peut conduire. Comme un raid de pensées qui nous assaille, qui nous pique les artères. 

La mer coule dans mes veines.

C'est déjà ça de prit sur elle.  

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