jeudi 11 décembre 2008

Un homme et une mer (suite)

Je ne suis pas un code. Mon écriture n'est pas un code, une chose préétablie qui ne répond qu'à une série de consigne. Je fais mon code, pour mieux l'oublier, pour mieux en sortir, ne plus baliser ma route de ses directives assommantes. Je veux libérer mon écriture, la jeter à la mer comme une bouteille solitaire, aller de l'avant, sur une coque de noix, sur une coque de moi. Jusqu'à quand la poésie oubliera-t-elle de se mettre en avant, d'oublier les codes que les gens lui donnent, l'idée même que c'est une chose pour des gens bien comme il lui faut, pour des gens qui se disent savoir ce dont il est question. Je ne réserve rien à personne sinon le droit d'aimer toute la poésie, de lui donner du répondant en la lisant et en l'appréciant. Je suis toujours seul sur la mer, une vague étendue lisse d'où rien aujourd'hui ne sort pour perturber ce silence au demeurant un peu trop créateur de peur. 

Je suis le vieux capitaine de ma barque, qui part et s'oublie de mon inconscient. J'aimerais avoir le droit qu'on est le fou heureux, celui de fixer un mur blanc et de m'émerveiller de sa clarté, de pouvoir, caché derrière ma barbe épaisse et non plus légère comme les aiment les femmes, rester planté là sans bouger, debout, pendant des heures avec pour seul occupation de regarder le blanc si pur d'un mur, de scruter ce mur dans ses moindres détails, de le connaître par coeur, de savoir lui parler, et de rire, à grand éclat. Avoir cette lucidité qu'on les fous de pouvoir rire de tout, de laisser parler leur coeur sans savoir ce que c'est la peur, la peur du regard des autres, toujours interrogateur, mais pourquoi ris-tu, la vie t'amuse. Oui la vie m'amuse, me fait sortir de la réalité, car tous, autant que vous êtes, perdus dans cet océan de vide, une nébuleuse de non-savoir, vous avec vos idées déjà toutes faites, avant même d'y avoir pensé, vous parlez pour détruire. Je préfère écrire pour construire. 

Je ne suis pas un code qui répond à vos attentes. Je sais très bien ce que je fais, je calcule tout pour ne rien faire comme on en attend de moi, pour ne rien comme j'en attend de moi. Je me laisse aller, au bon grès des vagues, à moitié dans l'eau, à moitié sur la plage. Le regard pendu dans le vide, au bord de la falaise, au bord d'un gouffre qui gît là, sans trop savoir sa place. S'il te plaît, laisse moi vivre en sautant par dessus bord, aller moi-même à l'aventure, me perdre dans les nuages, dans mes pensées, dans le ciel encre bleu, qui poussé par le jour naissant ne sait plus quoi faire pour accaparer notre regard, notre attention, et se part ainsi de ses plus beaux costumes de la nuit. Un jour de transition qui ne veut plus paraître moribond, écoutant l'imperceptible chant des étoiles, qui dans un lointain cosmos nous rappelle à notre bonne volonté que oui, un jour nous avons vécu, nous avons même rêvé, mais de quoi ?

Sans doute, j'aimerais être ce capitaine, tout relativement que possible, en être une partie, la bonne si possible, qui me donnerait la capacité de vivre pleinement. Regarder le néant sombrer dans un déluge de mots, dans un flot, dans un torrent de vie, faire que les mot me soient malléables,pour mieux les maîtriser, les faire miens et vous les donner trop généreusement, alors que vous n'en prendrez pour vous pas la moitié. Dans un excès de volonté maniaque d'être aimer des autres, choses paradoxales alors que fondamentalement je n'aime pas l'humanité, je continue à écrire, à pencher mes mots sur le papier, pour qu'une fois le livre en main, vous puissiez toucher du doigt le travail qui sort du ventre de l'auteur, pour qu'une fois le comédien criant sa tirade vous puissiez comprendre l'extrême importance de mon vocabulaire. Oui, je m'extrêmise, autant que je le veux, autant que je le peux, je n'aime pas faire autrement. 

Peut-être que je suis un code, mais un code qui se change seul, de manière aléatoire, pour que personne ne puisse prévoir qu'elle sera sa nouvelle peau, et qu'ainsi mon code reste secret à tout jamais. La clé je la connais, je la change elle aussi dès que je le peux. De cette façon, mon mystère me reste entier, rien qu'à moi, il me reste dans mon esprit, dans l'amour qui vit en moi, et rien n'est alors une chose honteuse. Je n'ai pas honte de vivre seul sur mon récif, dans ma propre histoire, voguant sur cette mare de larmes assez grande pour être nommée mer. La tristesse qui l'accompagne s'appelle Nostalgie, et Nostalgie rime avec Envie, l'Envie qui me hante de faire autre chose, de me prendre à bras le corps, pour devenir encore plus vivant que je ne pourrais jamais l'être, et alors, prendre conscience que la beauté du monde n'a d'égal que sa fragilité et sa forte propension à mourir. 

Je ne suis pas un code, alors arrêtez d'essayer de percer mon mystère. 

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